Éclairage scénique dans les salles de spectacle

dUCKS scéno a mené une campagne de mesures et de récupération de données sur la consommation de l’éclairage scénique dans les salles de spectacles en avril et mai 2019.
SMAC de Rouen - H106

Celle-ci a concerné les spectacles suivants :

  • Au Transbordeur (Villeurbanne) :
    Le concert de La Yegros, le 18 avril 2019 , le concert de Vegedream, le 19 avril 2019, la soirée Fantasy, le 30 avril 2019.
  • Au Club du Transbordeur (Villeurbanne) :
    • La nuit 100 % Latino Reggaeton, le 27 avril 2019.
  • À La Belle Électrique (Grenoble) : le Concert Bambino Soliloc’, le 22 mai 2019, la Soirée House La Mamie’s, le 25 mai 2019, le concert d’A. Joseph, le 29 mai 2019.
  • À la Maison de la Danse (Lyon) :
    • Créations chorégraphiques de la compagnie Ailey II, le 15 mai 2019 et le 17 mai 2019

L’objectif était d’obtenir des données sur la consommation électrique de l’éclairage scénique.

 

En effet, tous les projecteurs n’étant pas allumés en même temps, ni à 100 %, quelle part de la puissance installée pour l’éclairage scénique est réellement utilisée ? Quelle est l’influence des différentes technologies de lampes sur le réseau électrique ?

L’éclairage scénique est constitué de trois technologies de lampes : halogène, à décharge, et LED.

L’halogène, dit « traditionnel » consomme pour le même flux lumineux environ 5 fois plus qu’un projecteur à LED. On retrouve généralement l’halogène dans l’éclairage du théâtre, de la danse ou de l’opéra, tandis que les LED et les lampes à décharge sont plus souvent utilisées pour les concerts.

La puissance électrique se décompose de la façon suivante :

où S est la puissance apparente, Q la puissance réactive, et P la puissance active. On a :

où U est la tension, I le courant, et ϕ est le déphasage entre ces deux grandeurs.

Grossièrement, la puissance active est celle qui est réellement utile, et la puissance apparente est celle qui doit être fournie par le distributeur d’électricité. La puissance réactive est consommée mais n’est pas utile. Le cos ϕ reflète le ratio entre la puissance active et la puissance apparente* : il sera d’autant plus bas que de la puissance réactive sera consommée – ou produite. On considère qu’un « bon » cosinus ϕ est supérieur à 0,92. Au-delà, on devra faire de la compensation pour éviter de devoir fournir plus d’électricité que nécessaire, ce qui pose des problèmes d’échauffements inutiles des lignes électriques par exemple.

(*pour des tensions et courants parfaitement sinusoïdaux. On parlera sinon de facteur de puissance.)

Pour déterminer le signe de la puissance réactive (et ainsi savoir si le récepteur en produit ou en consomme), on mesure la tangente ϕ. Elle sera positive en cas de consommation et négative sinon.

Le THD (taux de distorsion harmonique) est un autre indicateur de la qualité du récepteur : il représente la déformation de la tension ou du courant, par rapport aux sinusoïdes parfaites théoriques. L’électronique qu’on retrouve dans des projecteurs à LED ou à décharge, ainsi que dans les gradateurs, provoque des déformations des signaux électriques, qui polluent le réseau électrique et augmentent les pertes notamment.

On étudiera ainsi deux critères pour déterminer si un récepteur affecte le réseau électrique : son THD et sa puissance réactive consommée (au travers du cosinus et de la tangente ϕ).

Les salles de spectacles étudiées avaient, au moment des relevés, la répartition suivante des technologies de projecteurs :

On note qu’en effet, le spectacle de danse Ailey II favorise l’halogène, au contraire des concerts qui sont souvent plus axés sur la LED et les lampes à décharge.

 

L’éclairage scénique ne consomme qu’une petite fraction de la puissance installée

Le diagramme suivant indique les puissances moyenne et maximale absorbées, en comparaison de la charge connectée :

Les mesures sont moyennées sur 5 minutes ; les puissances maximales absorbées sont donc probablement sous-estimées. Toutefois, même en tenant compte du biais de mesure, il apparaît clairement que l’éclairage scénique, en dépit des puissances installées qui peuvent paraître faramineuses, ne consomme en réalité qu’une petite fraction de cette puissance, en particulier sur des installations à dominante halogène.

 

Les mesures du cosinus ϕ et de la tangente ϕ , moyennées sur la durée de chaque représentation, sont indiquées sur le diagramme qui suit.

 

Les cosinus ϕ sont assez bons pour Ailey II, voire excellents pour Fantasy, A. Joseph ou la Mamie’s.
Toutefois, La Yegros, Vegedream et 100 % Reggaeton ainsi que Soliloc ont des cosinus ϕ assez mauvais.

On note que la soirée Fantasy a produit de l’énergie réactive, contrairement aux autres représentations.

Enfin, les mesures des taux de distorsion harmonique des courants et tensions sont présentées dans les diagrammes suivants :

Les gradateurs ne sont ainsi pas les gros pollueurs de réseau : les lampes à décharge et à LED perturbent davantage les signaux. La tension reste toutefois assez peu déformée, donc le réseau des salles reste d’assez bonne qualité.

A peine la moitié de la puissance maximale installée est utilisée.

Les principales données relevées sont rassemblées dans le tableau ci-dessous. Les pourcentages des technologies de lampe sont en puissance par rapport à la puissance totale installée.

Il n’est jamais utilisé plus de 42 % de la puissance maximale installée, et ce chiffre descend encore lorsqu’on parle d’installations tout halogène. Le cosinus ϕ peut être très mauvais pour des spectacles utilisant une large part de lampes à décharge ou à LED. Il en va de même pour les taux de distorsion harmoniques en courant.

Conclusion
A la lumière de ces résultats, on peut déduire des tendances des différents types de lampe. Gardons toutefois à l’esprit que presque tous les plans de feu étant mixtes, ces conclusions restent du domaine de l’hypothèse. Il faudrait réitérer les mesures avec des plans de feu ne comportant qu’une seule technologie pour s’en assurer.

  • Les projecteurs halogènes consomment une faible proportion de leur puissance maximale en moyenne. Ils présentent toutefois des pics importants de puissance. Les gradateurs qui leur sont associés polluent le réseau électrique.
  • Les projecteurs à décharge ont une consommation beaucoup plus stable, mais leur consommation moyenne est beaucoup plus proche de leur consommation maximale possible. Ils ont tendance à consommer de l’énergie réactive.
  • Les projecteurs à LED polluent beaucoup le réseau électrique. Par contre, ils ont tendance à produire de l’énergie réactive, ce qui est bon pour le réseau et peut compenser d’autres installations.

Nous remercions grandement pour leur collaboration :
– M. Stephan Rocher, directeur technique du Transbordeur à Villeurbanne.
– M. Frédéric Segaud, chef de service intérieur à la Maison de la Danse à Lyon.
– M. Pierre Dubois, régisseur général de La Belle Électrique à Grenoble.

 

 

Étude réalisée au sein de dUCKS scéno par Madeleine Goujon dans le cadre de son projet de fin d’étude à l’INSA Lyon.